Mon livre sur les genoux pour faire bonne figure, je n'écoutais pas un traître mot de ce que le prof d'histoire de la magie racontait. Non seulement j'avais déjà lu et étudier ce sujet mais en plus, d'autres pensées flottaient dans mon esprit. Bien plus importantes, bien plus inquiétantes, bien plus intéressantes. Ma main descendit vers ma poche où je gardais les lettres que je ne voulais pas voir disparaître de mon dortoir. Les "disparitions" n'étaient pas choses courantes mais on n’est jamais trop prudent. Je connaissais le contenu de celle-ci par cœur. J'aurais pu la réciter. Si c'était mon devoir, j'aurais eu le plus de point possible. Même avec le pire des profs. Aucune faute dans les mots gravés au fer rouge dans mon esprit. Aucun doutes sur ce que j'allais faire, non plus. La seule chose que je voulais, là, maintenant, c'était sortir du cours et aller me réfugier dans une magnifique clairière que j'avais découvert à force de traîner la moitié de la nuit dans la forêt interdite. Le cours me semblait interminable. J'avais regardé l'heure à peine cinq minutes plus tôt et j'avais l'impression que les secondes avaient ralenti leur rythme pourtant imperturbable. Cherchant une excuse pour sortir du cours, je n'en trouvais aucune et me résolu à rester jusqu'à la fin même si je voulais sortir de cette ambiance étouffante qui semblait régner depuis la lettre. Mais je savais très bien que ce n'était comme ça que pour moi. Et Domi, si elle était au courant. Je ne lui avais rien dit, elle ne m'en avait pas parlé et Maman ne devait pas l'avoir mis au courant. Je trouvais que c'était mieux ainsi. Que la petite innocente de la famille le reste encore un moment. Perdue dans mes pensées, le temps sembla soudain reprendre son court normal et la sonnerie retentit, me faisant sursauter. Le prof m'appela alors, me demanda, une fois les autres élèves sortis, si j'allais bien. Je pris mon courage à deux mains pour lui faire un sourire rayonnant et lui assurais que oui. Mon cœur était en miettes. En toutes petites miettes que même une cuillère ne pourrait pas ramasser. En sortant de la classe, je jetais un rapide coup d'œil sur mon programme, vis que ma journée était finie et que le soleil commençait doucement à se coucher.

Je partis dans mon dortoir, montant les escaliers, jurant entre mes dents sous le regard mi-choqué mi-amusé des autres élèves lorsque les escaliers commençaient à bouger pour changer de direction, m'obligeant à revoir mes plans. J'espérais arriver à la clairière pour admirer le soleil couchant et ses rayons rouges qui emplissaient le creux pendant quelques instants. Enfin, le portrait de la Grosse Dame apparut devant moi. En disant le mot de passe, je me ruais sur elle. Elle s'ouvrit précipitamment. Je courus dans mon dortoir, jetais mon sac sur le lit, enfilais un slim noir, un gros pull rouge, des bottes noires et partis pour la forêt interdite. Personne n'était en vue, les portes étaient ouvertes. Je sortis tranquillement et me dirigeais d'abord dans la forêt. Changeant de direction une fois sûr que personne ne m'avait vu, je sortis ma baguette de ma poche arrière et, grâce à un Lumos, me dirigeais vers ma clairière. Sachant que j'y étais presque, j'éteignis ma baguette et m'étonnais de sentir une odeur de fumée. Un pas de plus et j’émergeais dans la lumière qui régnait dans cette partie de la forêt. Un homme était là et semblait assez choqué de me voir. Je me dirigeais vers lui, ne le reconnaissant pas. Je savais qu’il était possible que ce soit le nouveau Lord mais je m’en fichais comme de ma première chaussette. Il ne m’avait rien fait, je n’avais pas peur et j’étais prête à me défendre si le besoin se faisait sentir. Je me laissais tomber sur le sol et exposais mon visage au soleil, devinant ma peau virer de la même couleur que le ciel. Sans un mot.

Totalement perdue dans mes pensées depuis un long moment, je m'étais simplement assise à côté de celui que je savais être le directeur des Serpentards. Mais ce détail ne me gênait pas vraiment. J'avais pas mal d'amis dans cette maison et je me fichais complètement de savoir si leur directeur m'apprécierait ou pas. J'avais simplement envie de rester au calme et au soleil couchant. Peut m’importait de savoir avec qui et pourquoi il était là tant que j’arrivais à me calmer. Et les couchés de soleil avaient un effet apaisant sur moi. Tout comme la nuit, surtout les nuits de pleine lune. Je laissais mes pensées divaguer, partir dans des souvenirs d’enfance incluant ma tante aujourd’hui dans un état plus que critique, à mon avis. A ce que j’avais compris. Et je savais que Maman avait essayé de relativiser. Je n’osais même pas imaginer à quoi ma magnifique tante ressemblait après le passage du nouveau Lord, qui avait tenté de lui soutirer des informations. Le visage joyeux, les trais fins, les yeux pétillants et rieurs. Tout ça aurait sûrement disparu lorsque j’irais la voir à Saint-Mangouste, pendant les prochaines vacances. La simple idée d’aller dans un hôpital me serra la gorge, douloureusement. Et penser que c’était une personne chère à mon cœur qui s’y trouvait me fit presque monter les larmes aux yeux. La voix de l’homme tinta à mes oreilles, bizarrement, après le silence auquel je m’étais déjà habitué.

Que fais-tu ici ?

Sa voix cassante, froide vrilla mes tympans, me faisant presque sursauter. Je me rappelais soudain que c’était un prof, que j’étais en sixième et que je n’avais rien à faire dans la forêt qui, comme son nom l’indique, était interdite. Je me tournais lentement vers lui, le soleil ne baignant plus qu’un seul côté de mon visage. Tandis qu’il prenait son paquet de cigarette, je lui répondis que je faisais sûrement la même chose que lui, c’est-à-dire rien. Je voulais juste être au calme. La fumée m’effleura à peine, dans une odeur douceâtre. Son regard d’un bleu que je n’avais encore jamais vu mais totalement envoutant plongea dans le mien. Il semblait presque lutter contre quelque chose. Je ne voulais pas savoir quoi. Les secrets ne regarde que les personnes concernées, spécialement lorsqu’ils impliquent un prof. Même si celui-ci avait un regard de mer.

Tu n’es pas autorisée à pénétrer dans la forêt.
Je le sais très bien, merci. Mais j’aime venir ici lorsque j’en ai besoin. C’est calme.

Le prof jeta la tête en arrière pour expirer un long nuage de fumée. J’arrêtais de respirer. Je n’avais pas envie de mourir d’un putain de cancer. Surtout que j’avais quelque chose à faire, avant de mourir. Et ce quelque chose pouvait bien me prendre une heure comme des années entières. Je prendrais tout mon temps mais je ferais ce que j’ai à faire. Je tiens toujours mes promesses. Regardant de nouveau le soleil de face, je fermais les yeux pour ne pas être aveuglée. La douce chaleur envahit mon visage et mon cœur se calma avec délice. Le meilleur moment de la journée était la nuit mais le coucher du soleil n’était pas loin derrière.

Un léger rire, rauque, légèrement dérangeant, émergea de sa gorge. Qu’est-ce que j’avais fait, encore ? Je cherchais les actions depuis mon arrivée, mes paroles mais je ne voyais absolument aucun problème ! Soit il était fou, soit…. Il était fou. Bon, c’est à peu près la même chose. En même temps, il était directeur de Serpentard… Il devait de toute façon être un peu fou pour avoir accepté ce poste, en sachant que les élèves n’hésitaient pas à utiliser des sortilèges impardonnables. Mais ça met aussi un peu de piment de l’histoire. Être directeur d’une maison alors que rien ne se passe n’est pas forcément intéressant. Alors que, s’il y a pleins d’histoires, la chose devient tout de suite bien plus captivante. Non ?

Calme ? Je n’avais jamais entendu cet adjectif pour qualifier la forêt interdite.

Voyant qu’il insistait de manière à ce que le mot interdite ressorte, je souris. Voilà, il essayait de me faire culpabiliser. Je trouvais cela très drôle. Mais je ne le montrais pas. Non seulement il pourrait penser que je me fous de lui, ce qui n’est pas le cas, mais aussi parce que je n’avais pas envie de rire. Le soleil glissait toujours sur ma peau, la réchauffant un peu et je profitais de ce moment-là, sachant qu’il ne durerait plus très longtemps. Et que je devrais attendre le lendemain soir avant de revivre ce moment de calme et de bonheur. C’est vrai que mon choix d’adjectif pourrait sembler bizarre et incongru mais je me comprenais. Il vaut mieux, quand même.

Je l’utilise pourtant. Chaque fois que je viens ici, le calme règne et je trouve cela très reposant.

Toujours tirant sur sa cigarette, je ne le regardais pas. Je n’avais même pas bougé lorsque j’avais parlé. Aucun mouvement superflu, du calme, simplement. Cela me permettait de réfléchir sans pour autant le montrer. Ou en parler. C’était dans ma tête et dans mon cœur que ça se passait. La presque-mort de ma tante me bouleversait assez pour que j’aie craqué et que je pleure devant des amies. Je n'aurais jamais dû craquer. Je me rattrapais depuis en ne laissant plus rien paraître et en ne donnant aucune explication aux filles qui m’avaient vu dans un état dans lequel je ne me mettais jamais. Je remarquais du coin de l’œil qu’il haussa un sourcil lorsque j’arrêtais de respirer un moment, le temps que la fumée s’éloigne. Je refermais les yeux. Je ne lui ferais pas le plaisir de partir. De un car c’était un de mes endroits préférés, de deux parce que je ne perdais jamais un duel. Même si ce n’en était pas un.

Tu n’as pas de devoir à faire ou autre chose, quoi que ce soit ?

J’éclatais de rire, répondant d’un hochement de tête négatif. Dans le vide de la clairière, mon rire résonne un instant. Cristallin, heureux, joueur. Je souris en l’écoutant. Comment certaines personnes font-elles pour ne jamais rire ? C’était une chose qui m’échappait complètement.